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Textes philosophiquesKant : l’éducation fait l’homme« L’Homme est la seule créature qui soit susceptible d’éducation. Par éducation l’on entend les soins (le traitement, l’entretien) que réclame son enfance, la discipline qui le fait homme, enfin l’instruction avec la culture. Sous ce triple rapport, il est nourrisson, élève, et écolier. Aussitôt que les animaux commencent à sentir leurs forces, ils les emploient régulièrement, c’est-à-dire d’une manière qui ne leur soit point nuisible à eux-mêmes. Il est curieux en effet de voir comment, par exemple, les jeunes hirondelles, à peine sorties de leur œuf et encore aveugles, savent s’arranger de manière à faire tomber leurs excréments hors de leur nid. Les animaux n’ont donc pas besoin d’être soignés, enveloppés, réchauffés et conduits, ou protégés. La plupart demandent, il est vrai, de la pâture, mais non des soins. Par soins, il faut entendre les précautions que prennent les parents pour empêcher leurs enfants de faire de leurs forces un usage nuisible. Si, par exemple, un animal, en venant au monde, criait comme le font les enfants, il deviendrait infailliblement la proie des loups et des autres bêtes sauvages qui seraient attirées par ses cris. La discipline nous fait passer de l’état animal à celui d’homme. Un animal est par son instinct même tout ce qu’il peut être ; une raison étrangère a pris d’avance pour lui tous les soins indispensables. Mais l’homme a besoin de sa propre raison. Il n’a pas d’instinct, et il faut qu’il se fasse à lui-même son plan de conduite. Mais, comme il n’en est pas immédiatement capable, et qu’il arrive dans le monde à l’état sauvage, il a besoin du secours des autres.» Traité de pédagogie, Hachette, trad. J. Barni, p. 35.Indications de lecture :L’idée centrale de Kant est que « l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation » : l’éducation assure la transition entre l’être envisagé dans sa condition frustre et sauvage, encore proche de l’animalité et un statut humain où l’essence de l’humanité est conquise par l’accession à une destination morale. Pour Kant, la discipline est nécessaire à une étape de l’éducation qui précède l’autonomie. Si la Nature prend soin de l’animal, elle laisse l’homme prendre soin de lui-même. Or « comme il n'en est pas immédiatement capable, et qu’il arrive dans le monde à l’état sauvage, il a besoin du secours des autres. L’espèce humaine est obligée de tirer peu à peu d’elle-même par ses propres efforts toutes les qualités naturelles qui appartiennent à l’humanité » (Traité de pédagogie, p. 35). L’état sauvage, ici, se comprend au sens des penchants brutaux qui existent en l’homme et qui menacent de le ramener à la barbarie morale. Kant dit plus bas : « la discipline est purement négative, car elle se borne à dépouiller l’homme de sa sauvagerie ; l’instruction au contraire est la partie positive de l’éducation. » Si « la sauvagerie est l’indépendance à l’égard de toutes les lois. La discipline soumet l’homme aux lois de l’humanité » (Ibid., p. 36). Ainsi l’homme ne serait-il pas condamné à la violence ; par sa faculté de raison il peut s’en délivrer, et pour que cette faculté s’exerce, il suffit qu’elle soit éduquée. C’est là le rôle de l’éducation, et la discipline contraint l’homme à se redresser et à lutter contre ses mauvais penchants. L’homme est le seul être à avoir besoin de l’éducation précisément parce qu’il est doué de raison, et, contrairement aux animaux, il n’est pas livré à l’instinct. C’est cette faculté même qui demande l’éducation, car, sans instinct, il ne peut se développer entièrement en tant qu’homme. Seule l’éducation, le secours des autres, d’un tuteur ou d’un maître, peut l’aider à développer ses potentialités et à faire de lui un Homme, au sens où son humanité est pleinement développée. Voir le texte suivant. texte préparé par Stéphanie Combabessou
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